La Ponche, sujet et théâtre de ces images, fut autrefois un port minuscule niché derrière le célèbre village de Saint Tropez, avec une petite plage où les pêcheurs hissaient leurs «pointus» multicolores sous de modestes maisons. Ces mêmes habitations, où le linge séchait alors aux fenêtres, se négocient aujourd’hui des sommes folles et les pêcheurs sont partis depuis longtemps. Ils ont laissé place à de fortunés esthètes qui possèdent là l’une des plus belles vues du monde. C’est à la Ponche que vit Brigitte Bardot dans le film mythique Et Dieu Créa La Femme. Des scènes de passion torrides avec Jean Louis Trintignant s’y déroulent. Après la sortie du film, en 1956, cet endroit discret et sans prétention, avec un charmant petit hôtel familial surplombant la plage, devient très vite le rendez-vous des amoureux, le seul peut être qui demeure aujourd’hui pour les nostalgiques, les touristes éclairés et les nombreux enfants qui ne savent rien du passé, n’ont jamais vu le film, mais continuent de venir chaque jour avec leurs parents, au coucher du soleil, parfois jusqu’aux derniers rayons dorés d’octobre, irrésistiblement attirés par la mer, la lumière magique, la vue sur les montagnes des Maures de l’autre côté de la baie.
Peut-être entendent-ils, comme moi parfois, les appels muets de Françoise Sagan, Roger Vadim, des peintres Henri Mangin et Albert Marquet, ainsi que des nombreuses autres âmes défuntes qui ont hanté La Ponche. Ces pèlerins anonymes semblent animés par le sentiment de vivre une sorte de rêve, comme s’ils faisaient eux-mêmes partie de la légende qui fit de Saint-Tropez ce qu’elle devint et demeure, à la Ponche…
Mes images, montrées ici et prises au cours des dernières années, tentent de capter un fragment de ce passé, mais aussi du présent et, souhaitons-le, de l’avenir. Elles revêtent à l’évidence un caractère mélancolique. Cependant, elles se veulent par dessous tout une ode aux magnifiques couchers de soleil, à la simplicité des vieilles maisons de pêcheurs presque inchangées, et, après que tous sont partis, l’hiver, ce cri de nostalgie pour celle qui fut, dans mon enfance, l’objet d’un amour secret et imaginaire, l’actrice italienne Elsa Martinelli, décédée en 2017 et qui vécut elle aussi un temps à Saint Tropez.